
2021
Quelle année ! De la xalps aux championnats du monde en passant par le Brésil et la finale de coupe du monde…
Depuis 2013 j'ai rêvé de la x-alps, mais sans toutefois être sûre que j'y participerais un jour. Le niveau technique requis, la force mentale nécessaire, l'endurance… Je rêvais d'acquérir tout ça pour m'inscrire à cette course qui, je le sais maintenant, correspond exactement à la pilote, passionnée de grand air et de montagne que je suis. Août 2020, je me sens prête à essayer de réaliser ce rêve, relever ce défi hors norme. Mais avant de l'avoir fait, il était vraiment dur de se faire une idée de quelle performance j'allais pouvoir montrer, si mon genou gauche capricieux me ferait tenir 2 jours ou 2 semaines, si j'allais réussir à bien m'alimenter, si je dormirais assez… Enormément d'inconnues, de questions auxquelles je n'avais pas de réponses qui passaient chaque jours dans mon esprit et cela depuis la sélection. Je crois que déjà avant de partir, le travail mental que j'ai effectué était énorme. Comme me dis souvent Maman, "you can !". C'est la seule réponse que j'avais et celle en laquelle je voulais croire, pour rester positive et prête. Le jour du départ de la course, je suis tendue, mais pas une tension due à la pression, je suis enfin là, à toucher un rêve, entourée de mon meilleur pote Joël, Michael l'éternel positif, Alex l'inépuisable et mon plus grand fan, Papa.

Le premier jour n'est pas un test. Ça part à bloc, et très vite je me retrouve dans une situation inconfortable. Après une première transition au sud du Gaisberg, je suis bas et je bataille pour regagner un peu de hauteur, on est d'entrée dans le vif du sujet. Si je pose ici, je serais dernière et je n'aurais peut être pas la possibilité de revenir avant la première élimination. C'est un coup dur, mais je lutte, j'arrive à recoller l'arrière du peloton. Un jour. Un jour et je suis passée par tous les états d'âme en l'air, et malheureusement, ce n'est pas comme ça que ça marche bien pour moi. Je dois absolument être détendue en l'air, positive et concentrée. Je me jure alors pour le reste de la course de gérer mes émotions afin de rester lucide, sinon ça ne va pas bien se passer. L'équipe à l'air de bien tourner. Ils sont là quand je pose et quand je marche j'ai droit à des ravitaillements régulièrement et la bonne humeur est de mise.
1600m D+ / 35,5 km / 4 vols / 44,51 km




Au cours de la journée suivante, la routine s'installe dans l'équipe, et ma routine, un pas après l'autre tel un métronome, fonctionne bien aussi. Un petit oubli de speedarm me mets un bon coup de stress et me rajoute 1 km de marche pour aller signer le turnpoint à Wagrain. Un petit 1000m de dénivelé en plus et me voilà en l'air direction Kitzbüehl. La masse d'air est bizarre, par moment très ventée, du foehn coule dans les vallées latérales, mais malgré ça, ça vole plutôt bien et je pose derrière la station de Kitzbuehl. Encore un bout à pied pour signer le panneau au sommet de la fameuse Streif, puis décollage en direction de l'Allemagne. C'est déjà la fin de journée, le soleil ne réchauffe plus beaucoup et le vent du nord est bien présent. Michael vole devant moi et pose, quand je sens une légère ascendance. Du 0,3 mètre par seconde, autant dire que c'est quasi rien, mais je travaille dans cette bulle pour ne pas la perdre, je m'applique et finalement j'arrive à m'en sortir et à passer au dessus de magnifiques falaises pour finir par poser tout près de la frontière allemande. C'était une journée incroyable, mais quand même les conditions de vol étaient bien musclées. Je ne sais pas ce que ça représente sur mon échelle risque/sécurité.
2200m D+ / 38,56 km / 4 vols / 107,25 km




Jour 3, ou le fun absolu en marche et vol. 25km de bitume comme petit déjeuner, je savais que ça faisait partie du jeu, mais ces portions sont infernales. Ça n'en finit pas, il n'y a rien de beau à voir, les voitures passent toujours trop vite et trop proches. Je signe le turnpoint Achental, mes pieds brûlent, Joel s'en occupe un peu puis j'attaque ensuite une montée de 1000m avec Alex et Michael. Au déco, on sent du vent du Nord, mais par moment le thermique prend le dessus et donc il y a des bouffées de sud. On hésite puis finalement on décolle en Est pour aller chercher le thermique sous le vent en Sud. Ça marche, le début du vol est laborieux, ça ne monte pas très haut et c'est à nouveau très venté. C'est la lutte, crête après crête j'ai l'impression de passer dans une machine à laver et je cherche désespérément la sortie. Je débouche finalement dans l'entrée de la vallée de l'Inn, soit en entonnoir où toute la masse d'air bavaroise s'engouffre. Le vent s'accélère, en en appui contre une face nord, je parviens à m'extraire pour traverser un plateau derrière. Ça se passe mieux que prévu et la vallée de Bayrischzell est plus accueillante, mais les thermiques faiblissent à cause de la couverture nuageuse qui s'épaissit. Toujours en mode survie, j'avance dans cette vallée, et plus j'avance, moins c'est accueillant pour poser. Des arbres, partout ! Non seulement c'est galère pour poser, mais en plus, il n'y a aucun décollage en vue. Si je pose c'est à pieds que je devrais sortir de cette infernale Bavière, et ça me motive à m'accrocher pour en sortir. À un certain moment, le ciel devient vraiment très menaçant et je décide de me préparer à poser pour des questions de sécurité. La seule option, le lit d'une rivière. Le vent est fort, c'est encaissé donc très turbulent. Mais d'un coup, je peux refaire quelques mètres en me cachant sous le vent d'une crête et passer derrière, dans l'espoir de trouver un meilleur atterrissage. Il y en a qu'un, une place d'évitement en bordure de route, entourée de sapins de 30m de haut. C'est chaud mais ça va le faire. Bien contente d'avoir les pieds au sol, je plie et me mets en route en laissant quelques affaires au team GER1. Les ennuis de cette journées continuent, on débriefe ensuite avec l'équipe pour la suite. Je suis dans un parc national à présent, il est interdit de dormir ici. Je dois donc en sortir à pieds, mais le timing est serré, je ne dois pas traîner. À 21h30, j'arrive au camping car exténuée, la nuit fera un grand bien !
1100m D+ / 63,73 km / 1 vol / 67,15 km




Pour le jour 4, nous décidons avec mes assistants de se rendre sur un déco au Nord Est de la Zugspitze, sommet que nous devons contourner par le nord avant de basculer sur Lermoos. Equipée de mon super routeur Joel, on s'enfonce dans une forêt dense dans le brouillard pour rejoindre ce décollage. La navigation est très compliquée, les chemins ne sont pas bien indiqués et on galère, les pieds mouillés dans l'herbe humide. Après une interminable aventure dans cette forêt, on arrive au décollage… Dans le brouillard. C'est un coup de massue. Que faire ? Attendre, redescendre un bout à pieds ? Je privilégie l'attente, et finalement le ciel s'ouvre un peu et je peux décoller pour basculer sur Garmisch-Partenkirchen. Au niveau de la couverture nuageuse, la vallée est bien plus ouverte que les reliefs et j'ose espérer pouvoir monter en thermique et m'enfiler vers Lermoos. L'espoir fait vivre, la réalité c'est que je me pose au pieds des installations de la Zugspitze. C'est reparti, à pieds pour un décollage caillouteux sous la cabine. Une petite demie heure avant d'y arriver, la météo redevient capricieuse et une fine pluie de bordure d'orage se met à tomber. Je n'ai pas une minute à perdre, il me faut m'échapper d'ici au plus vite. Au décollage, je rencontre Laurie (FRA4) qui peine à lever sa voile. Le vent vient de droite, les suspentes crochent partout et c'est pas gagné. Ma voile à peine ouverte, j'opte pour un gonflage cobra et j'arrive à décoller direct. Je file alors aussi vite que possible loin de la pluie, pour me poser sur le golf de Lermoos, à un kilomètre du signboard. Laurie me passe alors au dessus, en vol. Je suis un peu vexée de n'avoir pas osé enrouler la confluence au milieu de la vallée, mais j'avais trop peur de la voile mouillée, alors je cours sur ce kilomètre qui me sépare du turnpoint. Là bas, Laurie m'attend pour qu'on signe ensemble, un beau geste. Je profite alors un peu d'un bon ravitaillement en compagnie de Laurent, qui vole sur le parcours de la course et se déplace en transports publics, avec nuits à l'hôtel. C'est marrant, je ne les envie même pas tellement je suis à fond dans mon truc. Avec Laurie, on décide de monter sur un autre décollage. La météo ne fait que de changer. Soleil, orage, pluie, et toujours du vent, comme si il n'y avait pas assez de piment dans tout ça!Une légère pluie nous accompagne sur la montée, arrivés au décollage le ciel se fait plus clair et je décolle. Je pensais pouvoir m'appuyer au vent en rive gauche, mais en réalité, c'est de nouveau tout autre chose, et je ne peux que planer pour finalement poser dans la vallée. Une montée de 1000m qui aura peut être servi à rien, car la distance parcourue en vol est vraiment négligeable. Je plie et il se remet à pleuvoir, plus fort cette fois. Plus de vol pour aujourd'hui, je marche en direction de la vallée de Namlos, pour me placer idéalement le lendemain matin.
3050m D+ / 42,25 km / 3 vols / 21,25 km




Le réveil est dur au matin du jour 5. J'ai mal partout, mon genou est un peu faible (la rotule craque à chaque pas), mais la magie du lieu me permet de quand même apprécier le moment. Je comprends bien vite pourquoi je suis autant au bout de ma vie. Ça fait partie du jeu tous les mois et je dois faire avec, mais avec un ibuprofène chaque 6 heures, au moins pour la douleur. La montée au décollage est dure, dans des pierriers pentus, et mon pied montagnard me fait défaut. Michael s'inquiète de ma forme et je lui dit que ça va bien se passer, je dois juste aller tranquillement. La tête dans le guidon, nous arrivons sur le décollage choisi. Il fait beau, des nuages marquent une certaine instabilité et le timing est parfait pour l'exposition du décollage. Ni une ni deux, je décolle pour aller rejoindre le Lechtal. Et devinez quoi ? Ce n'est évidemment pas si bon que ça en à l'air. Le vent du nord soutenu me permettra de remonter en dynamique en étant bien bas. Quand j'arrive enfin à une altitude de croisière, je reconnais les caractéristique typiques d'une surpression au Nord dans les massifs alpins. Les vagues de vent descendant s'engouffrent dans les cols et m'appuie vers le bas. Sauve qui peut, je traverse la vallée pour aller m'appuyer dans cette masse d'air qui doit forcément remonter de l'autre coté. Ça marche cette fois et je peux parcourir quelques kilomètres en direction du col. Avant d'y arriver, en milieu de vallée, j'ai un gros doute. Je ne vois que de la forêt, et vu comme c'est turbulent, si je dois poser je risque de n'avoir aucunes options. Je décide alors de descendre et poser en sécurité. Steve (GB1) continue et m'appelle plus tard en me disant que j'avais bien fait, son atterrissage était un close-call. Mes assistants sont tous au col, en train de manger et j'ai la chance d'avoir un burger de course qu'Alex m'apportera après leur Kaiserschmarrn. Je suis à ce moment plutôt en forme compte tenu des conditions. J'arrive au col et on décide de monter sur les pistes pour décoller et espérer passer dans le Walsertal, comme Steve devant moi l'a fait. Cette montée me fait mal, j'ai des nausées, je suis à la limite de vomir. Je décolle et j'ai le droit à un misérable plouf, je n'arrive pas à passer le plateau en contrebas. C'est l'échec, j'essaie de redécoller pour tenter à nouveau de sortir de là, j'y arrive mais ça ne passe pas, un câble en dessous me barre la route et je dois poser, pour redescendre à pieds le dernier bout de ce maudit col, puis attaquer la montée de l'autre côté pour rejoindre une cabane et y dormir. La tension est palpable dans toute l'équipe. Papa essaie de positiver et de motiver Joel, mais il l'envoie valser. "Jean-Lou arrête maintenant !" Je crois voir sur la carte un chemin qui me ferait gagner du temps, j'en parle à Alex qui me laisse entendre que si il planifie des itinéraires, c'est pas pour que je fasse le contraire. Tous deux partent avec moi à l'assaut de la cabane, et les choses sont dites. Je suis trop négative aujourd'hui, et cela plombe le moral de l'équipe. Après avoir déballé notre sac, on continue la montée sous la pluie, pour finir en courant sous un orage violent. Trempés, on retrouve Michael qui avait de l'avance et qui profite d'un bon bout de gâteau. En réalité, la cabane est ouverte seulement pour des ouvriers volontaires qui travaillent sur les chemins et il n'y a donc pas grand chose à manger, les dortoirs sont libres mais ils n'y a pas de couvertures. Heureusement, je peux prendre une douche chaude, puis m'emballer dans toutes les couches que j'ai, en finissant par m'enrouler dans ma voile pour dormir.
2600m D+ / 50,96 km / 2 vols / 31 km




Le réveil du jour 6 est difficile, j'ai bien dormi, mais j'ai une tête de zombie. On se rapproche de la Suisse, le prochain turnpoint est le Säntis et je me réjouis d'y être. On décolle avec Michael à 6h de la cabane, pour un plané dans le Walsertal. Ça plane bien, et je pose dans la vallée où mon petit-déjeuner fétiche m'attend. Le ciel est bien bâché, mais ce mauvais stratus ne nous décourage pas. On tente l'option décollage à l'alpage, avec Joël et Michael. La montée est entrecoupé d'averse et de moment plus secs, on rigole bien et on espère toujours le créneau de vol. Arrivés à l'alpage, il pleut. On attend, le fromager aubergiste fait déguster à mes collègues son fromage, je bois un thé, nerveuse car la situation est vraiment compliquée et depuis ma mauvaise expérience dans le nuage il y a quelques années, je n'ose pas m'élancer lorsque je ne vois pas le sol. Une trouée arrive gentiment, on se dépêche pour décoller et je peux m'échapper dans la vallée sous la couche. La perte de temps due à l'attente me fait penser que ce n'était encore une fois pas la meilleure option, que marcher en bas dans la vallée aurait été plus rapide. Mais bon, je ne suis pas venue ici pour traverser les alpes uniquement à pieds avec mon parapente sur le dos. C'est le jeu, j'accepte et je continue à pieds en direction de Feldkirch. En visant le décollage utilisé par certains concurrents il y a 2 jours. Je reçois alors un appel du directeur de course qui me dit que j'ai volé dans le nuage, qu'un autre concurrent m'a dénoncé. Je suis folle de rage, j'ai attendu des plombes là haut pour ne pas le faire et quelqu'un dit que je l'ai fait. C'est sa parole contre la mienne, je laisse les mauvaises ondes au bord de la route, en espérant que la petite bruine reste aussi là et attaque la montée avec Alex, après un bon repas préparé par Joel et Papa. Au décollage, on retrouve Laurie, et on décide de voler ensemble pour la traversée de la vallée du Rhin. C'est pas mal bâché mais malgré ça, des petits thermiques nous permettent de traverser sans trop de soucis et nous poser au pied du Säntis. C'est fou le bien que peut faire un si petit vol. Je suis remontée à bloc, contente d'être où je suis et en forme. Avec la team FRA4, l'ambiance est bonne et on monte tous ensemble au décollage dans le rayon autour du sommet. Sur la montée au décollage Michael s'affaire à optimiser le plan pour le lendemain. On est dans le jardin de Martin Scheel, le team leader de l'équipe suisse de parapente, et il nous aiguille plutôt sur un détour par les Grisons que par la traversée du canton de Glaris. "Ça peut marcher, mais ça ne sera pas facile" qu'il nous dit. Est ce qu'on est à cela près ? On décide de tenter le coup. Arrivés au décollage, c'est à nouveau les pires conditions imaginables qui nous accueillent. Du vent descend dans toute la combe, c'est raide et l'erreur n'a pas sa place. Décoller avec un tel vent arrière dans une telle pente est risqué. Je déplie et me prépare, dans l'espoir d'un créneau moins venté pour décoller. Il arrive gentiment et je m'envole direction les Churfisten. Je pose au dernier village, chambre d'hôtel et resto pour me requinquer d'une journée encore éprouvante.
2350m D+ / 45,39 km / 4 vols / 38,53 km




Au matin du 7ème jour, je me sens passablement fatiguée. Les jambes sont lourdes, mais le moral est bon. Joel m'accompagne pour la première ascension de la journée, le Chäserugg. A un tiers de la montée, nous sommes gratifiés par un magnifique lever de soleil au dessus de la brume stagnante dans la vallée, c'est un de ces moments hors du temps pendant lesquels on se laisse simplement éblouir par la lumière matinale, seuls en pleine nature. Je mets du temps à arriver à trouver un bon rythme. C'est lent, mais je ne peux pas plus. Joël est boosté par la perspective d'un vol qu'il a toujours rêvé de faire, car il a fait l'armée à Walenstadt. Le décollage est incroyable, sur les falaises qui dominent le Walensee. Un petit vent du sud me permet de gonfler la voile et sauter de la falaise. S'ensuit un plané malheureusement bien en deçà des espérances. Le vent du Sud est déjà marqué et ma finesse est catastrophique. A l'atterrissage, je suis un peu dépitée. On rajoute un bon 5 kilomètres à pied pour rejoindre le chemin qui nous mènera au décollage du Pizol. Je déjeune solidement pendant que Michael plie ma voile. Franchement je pense que si je savais la trotte qui m'attendait après, j'aurais déprimé. Mais un pas après l'autre, je rejoins Sargans et attaque la montée en compagnie d'un local et de Michael. Le plan était de s'arrêter à mi pente sur le décollage officiel et partir au sud ensuite, la réalité c'est que les voiles en l'air nous démontrait que c'était stable et que décoller là ne servait à rien. On rajoute donc un bon 500m de dénivelé pour monter sur la crête exposée en Sud. Les derniers mètres sont interminables, j'ai faim et ça n'en finit pas. J'arrive donc péniblement au décollage, à nouveau en compagnie de Laurie. Son team m'offre une banane, qu'est ce que ça fait du bien. On décolle ensemble et pour changer, les conditions ne sont pas telles qu'escomptées. Le vent du Sud est assez fort, je m'y prends à 3 fois pour passer la première crête et à chaque fois c'est machine à laver dans le rotor. J'abdique et essaye de passer plus bas, dès que l'arête me permettra de basculer. Ça passe finalement, un alpiniste est en train de monter sur la crête caillouteuse et je me surprends à lui parler dans ma tête. "Regarde moi bien mon gars, des fois que tu devrais appeler la Rega". C'est dire à quel point ce passage était horrible et engagé. Une fois de l'autre côté, c'est les montagnes russes encore dans le thermique haché sous le vent. À la prochaine crête, je suis enfin sur le bon versant, la masse d'air se calme et je peux profiter de l'endroit, que je connais relativement bien pour y avoir volé maintes fois en coupe du monde. Remonter jusqu'aux sources du Rhin est néanmoins un combat, le vent est toujours présent, sauf que maintenant que je vais à l'ouest, il vient de l'ouest… J'avance, appliquée, crête après crête pour arriver sur Disentis, bas mais contente du chemin parcouru. À ce moment là, je me dis que je vais poser car les thermiques ont disparu avec l'ombre que les cumulus projetaient. Mais mes assistants sont en feu et me disent de m'accrocher, que ça va marcher encore. Ils ont raison, ça marche. En appui avec l'Ouest je refais de l'altitude et me dirige en direction du col de l'Oberalp. Juste avant le col, il est 16 heures et il n'y a que des faces Est qui s'offrent à moi, bien évidemment sous le vent. Mais ça monte. Je n'en reviens toujours pas de ce moment où je bascule sur Andermatt ! À nouveau, un choix s'impose, rive gauche ou rive droite ? On me glisse à l'oreillette que Manu (GER1) est sur le versant exposé Nord et qu'il remonte. Malheureusement, l'info arrive un poil tard et je suis sur les faces Sud. Je pose donc à Hospental, profondément heureuse après un vol épique et ultra technique. "Ce soir les gars, on dort en Valais !". Un bon ravitaillement au bord de la route et c'est parti pour le dernier morceau de la journée, la Furka. J'y suis passée un certain nombre de fois en voiture avant, les lacets sont devant moi et mon souvenir est que ce n'est pas si long… Depuis quand on se fie à des trajets en voiture en marche et vol ??? Au sommet des lacets, le vague souvenir de la ligne droite qui mène au col est devant moi et plus du tout vague. Dieu que c'est long, mais je soir, on dort en Valais !!! Je suis requinquée par la force mentale que me donne cette perspective. Joel est avec moi en vélo électrique, l'ambiance est géniale et il n'en revient pas du chemin parcouru aujourd'hui ! L'arrivée au col me tire les larmes, tellement l'émotion est intense, partagée avec le Papa le plus fier du monde. Dans les souvenir émotionnels liés au sport, c'est de loin le plus puissant que je n'ai jamais eu. Ça passe avant les records du monde, avant mon titre de championne du monde. C'est indescriptible et pourtant, si on parle de la course, du classement, ce moment n'est rien ! Un bon souper, des rires, du partage et sous la couette pour une nuit bien fraîche.
4200m D+ / 46,93 km / 2 vols / 96,45 km




En ce matin du jour 8, je suis en forme, toujours un peu euphorique d'hier. On opte pour un décollage sur un petit sommet qui nous fera planer dans la vallée de Conches. Il fait beau, mais la traversée est un peu difficile, la neige n'a pas encore fondu, les pas sont prudents, car il n'est pas rare que je passe à travers la couche de neige et m'enfonce jusqu'à la taille. Avec Alex, Adi (photographe de la course) et Mélanie (sa compagne), nous arrivons sur le décollage, les conditions sont parfaites, et ce vol s'avère magique, tout doux. Malheureusement, je dois l'écourter de 2 kilomètres car j'arrive dans l'espace aérien de Münster. La journée de vol s'annonce bonne malgré un léger foehn, et je dois me dépêcher pour profiter de l'ensoleillement des faces Est. Mais avant de rejoindre le décollage de Fiesch, il me faut passer par Fiesch village pour signer le turnpoint. J'opte pour un gros rythme, alternant course et marche, boostée par la perspective d'un beau vol dans mon jardin. L'arrivée au turnpoint est à nouveau riche en émotions, ma soeur est là avec ma petite nièce, je suis heureuse de les voir. Signature, ravitaillement et test covid et c'est parti pour la montée. Je croise l'assistant de Chrigel (SUI1) qui est déjà sur le chemin du retour vers Zell am See, Thomas Theurillat, qui est également mon coach mental. Il est complètement en stress, le gps de Chrigel n'a pas chargé pendant la nuit, et il doit lui amener un câble au décollage. Comme quoi les erreurs arrivent même aux plus expérimentés. La rencontre est brève mais l'accolade est chaleureuse: "tu as l'air contente, c'est magnifique ce que tu fais, continue comme ça, tu as le bon état d'esprit". Venant de lui qui connait mes défauts et qui a percé ma personnalité à jour, c'est un encouragement qui vaut de l'or. La montée est partagée avec Beat (un local qui a une forme phénoménale par rapport à son âge), il nous guide aussi sur le chemin le plus efficace et c'est une aide bienvenue. Arrivés au décollage, Joël est là avec mes affaires et quelques copains sont venus aussi, il y a une super ambiance. Michael Lacher (GER3) est également avec nous, on décolle ! Ça ne monte pas très bien, on repose deux fois à la pente pour temporiser au lieu de fuir en avant et risquer de passer sous la limite de la forêt et devoir poser en vallée. A la troisième tentative, on arrive enfin à monter et c'est parti pour la descente du Valais. Dans les thermiques, ça dérive en ouest, ce qui veut dire que le foehn est déjà présent. Malgré cela, les conditions sont plus qu'acceptables par rapport à ce que j'ai vécu dans cette course jusqu'à maintenant. Il n'y a pas trop de difficultés jusqu'à Crans-Montana, le ciel est très couvert et les thermiques faiblissent. L'ascendance est sur le pylône de l'installation de la Plaine-Morte, et l'exploiter correctement est difficile car on est 3 maintenant, Eduardo (MEX1) nous a rejoint. Passé ce passage difficile, on continue d'avancer vers les Diablerets. Maintenant il n'y a plus de soleil, le seul moyen de monter est de s'appuyer en dynamique sur les falaises du glacier 3000. Le vent est fort mais l'instant est magique. Ça monte des briques et c'est bien car on va bientôt devoir passer sur le canton de Vaud par le haut, pour nous éviter le détour par Martigny. Chaque mètre gagné en vol veut dire moins de marche, et on exploite l'ascendance jusqu'au sommet des falaises, pour se jeter ensuite sous le vent en direction de Villard. Ça se passe bien, et derrière la masse d'air est encore bien porteuse, grâce à une confluence. S'ensuit un plané en direction du Bouveret, je pose finalement à Vouvry. Plein de copains sont là, c'est génial, on définit le plan pour la suite. Soit monter en direction de Tanay, ce qui nous oblige de bivouaquer quelque part car il n'y a pas de route, soit partir à plat en direction du Bouveret puis monter sur Novel et y dormir dans le camping car. Pas trop motivée par la nuit en tente, on prend l'option 2. Au Bouveret, des collègues de Villeneuve sont là, on m'offre un cornet fraise et je suis escortée dans la bonne humeur. Sur le chemin forestier qui m'amène en direction de Novel, une Audi nous arrive dessus. C'est Reynald, notre routeur météo, et ses deux fils. Je suis heureuse de les voir, mais je me sens de moins en moins loquace, la fatigue se fait sentir gentiment. Joel me balance un "si j'avais su que c'était si long j'aurais pris le vélo électrique !". Ça me fait rire, car malgré les kilomètres que j'avale, je ne m'imagine pas les faire autrement qu'à pieds ! On arrive tôt au campement, ce qui me permet de profiter d'un bon souper en compagnie de David et Jérome, d'autres copains venus nous voir, et de faire une interview avec la RTS.
1700m D+ / 49,27 km / 2 vols / 104,34




La Dent d'Oche n'est pas loin, je dois la contourner par le Nord. Le lever de soleil est magnifique, c'est David et Michael qui m'accompagnent pour cette mise en jambes. On arrive au déco pour constater à quel point la journée va être difficile. Un voile d'altitude masque le soleil, il y a du vent du Sud et des orages sont annoncés en fin de journée. En gros il y a un petit créneau d'instabilité, et dès que le soleil aura assez chauffé, ça va gonfler et il va pleuvoir. On décolle en pensant réussir à s'appuyer au vent contre la Dent d'Oche mais c'est trop faible, et le vol va durer 3 minutes. Après avoir fait un petit cratère dans la combe en dessous, on reprend nos voiles en boule pour remonter 200m de dénivelé. Avec Eduardo et Michel, on redécolle, cap au Sud, direction Morzine. Petit vol de 10 kilomètres, rien à enrouler, on pose dans des pâturages à l'entrée de la vallée d'Abondance. On repart à pieds pour la Pointe de la Croix, j'espère vraiment qu'on va pouvoir un peu avancer en vol. Ça temporise un peu au décollage, on a vraisemblablement tous envie de sortir de ce Chablais par les airs. On décolle finalement, et directement après, on a droit à une grosse transition. En face, ça tient, une légère brise nous permet de nous appuyer contre les reliefs et on arrive à avancer, lentement, mais en volant, c'est l'essentiel. J'arrive à poser sur l'atterrissage officiel de Morzine. Alex me plie la voile et je me relaxe un peu avant de repartir à pieds en direction du Col de Joux Plane. L'instabilité arrive alors que je monte avec Michel, on décide de pousser le rythme pour ne pas rater le créneau. Arrivés au col, c'est la course. Le ciel est déjà noir sur Samoëns, la pluie menace. Incroyable comme les conditions changent vite. Après avoir trempé mes élévateurs et suspentes dans de la beuse fraîche, je m'envole en direction du Mont-Blanc. Ça monte, mais j'ai peur, ça pue la pluie, le vent est fort. Je m'échappe pour poser en face au plus vite. Je plie en vitesse et il commence à pleuvoir un peu mais le nuage qui déverse s'est décalé et j'aurais pu tenter quelque chose. Tant pis, maintenant il faut marcher, trouver un décollage car la prévision nous laisse oser un vol pour se rapprocher de la vallée de Contamines. On débouche sur la crête au dessus des Carroz, sur la carte, une clairière avait l'air d'offrir un bon décollage, mais en réalité… On continue à marcher, pour arriver au sommet des pistes. Là, c'est l'apocalypse. Un énorme orage nous arrive dessus et il faut absolument trouver un abri. La foudre tombe sur un pylône du télésiège juste à côté de nous. Ça fait peur mais mes ingénieurs d'assistants me répètent que sur notre petit bout de terrasse, on risque rien. À ce moment précis, Chrigel arrive au bout de la course à Zell am See. Je lui envoie une photo des trombes d'eau en le félicitant. Cette fois je réalise bien à quel point cette course est difficile et à quel point c'est un athlète hors-normes. Le ciel s'éclaircit peu à peu et notre créneau de vol se dessine. On opte pour un décollage sous une ligne à haute-tension, ça fait vraiment bizarre. Le vol est calme et je suis contente d'être en l'air, de ne pas devoir descendre de cette montagne à pieds. J'attérris à l'extrémité Est de Sallanches et décide de m'arrêter là pour ce soir. Michel et Eduardo continueront à marcher pour couvrir 10 kilomètres de plus.
3200m D+ / 32 km / 5 vols/ 40,2 km




Le réveil à 5h sonne encore une fois, la fatigue se fait ressentir mais le moral est toujours bon, et j'ai appris ces derniers jours que la tête peut me faire avancer même quand les jambes n'en peuvent plus. Je pars à pieds et suis rejointe par Yves, qui m'a grandement aidé à financer cette course. J'avais aussi peur, avant de partir, de ne pas être à la hauteur vis-à-vis de toutes les personnes qui m'ont aidée financièrement. Maintenant, même si je sais que je n'arriverais pas au but, à Zell am See, j'estime ma prestation plus qu'honorable. On en discute et il est d'accord, ce que je réalise est incroyable. À présent, un sacré morceau se dresse sur ma route. Le tour du Mont-Blanc, à pieds par le Col du Bonhomme et le Col de la Seigne, car la météo est exécrable et ne donne aucun espoir de vol. J'ai un peu mal géré la partie de Saint-Gervais jusqu'au fond de vallée. Je n'ai pas assez mangé et au moment du ravitaillement, je mange tout ce que je peux mais sens que je devrais manger plus, sans y parvenir. On se met en route avec Alex et Michael, et après une petite heure de marche, je sens l'hypoglycémie arriver. C'est critique, et le seul moyen de l'enrayer c'est de manger. Chaque 15 minutes, je prends quelque chose. Ça finit par passer, ouf. La montée au col du Bonhomme est rythmée par des orages, avec des averses de grêle en prime. Quand on débouche finalement en haut, c'est la surprise, le ciel est clair dans le Beaufortain. J'ai l'impression de ne pas avancer, mais on dépasse malgré tout des randonneurs qui font le tour du Mont-Blanc. Ce n'est peut être pas si pire en définitive… L'éclaircie se maintient et me permet de décoller et éviter la descente à pieds et me poser au pied du col de la Seigne. Un vol de gagné sur une journée où ça ne devait pas voler, c'est très appréciable. Je vois Eduardo qui se met en l'air et arrive à basculer sur Courmayeur. J'ose espérer pareil dénouement, mais lors qu'on arrive au col, c'est très venté et le relief derrière très plat. Cela voudrait dire décoller au vent, passer le col et espérer que ça plane assez bien pour ne pas s'écraser. Le jeu n'en vaut pas la chandelle, et j'ai la (très très fausse) impression que Courmayeur est juste là en bas, derrière le premier replat. On opte donc pour une descente à pieds en en ski sur les névés, en m'amusant comme une gamine. La distance qui me sépare de Courmayeur est en réalité de 15 kilomètres, j'en ai déjà avalé 44 depuis ce matin… C'est vraiment très long, après chaque replat il y en a un autre, le tout sous la pluie, le grésil et parfois le soleil. On arrive quand même à partir en fou rire lorsque Michael décide de me faire une interview à l'américaine. Je finis la descente sur Entrèves avec Joël qui s'amuse en vélo, en me réjouissant de manger car le dernier repas remonte à bien longtemps. Au restaurant, je n'ai plus de force, je mange ma pizza mais n'ai plus la patience d'attendre le dessert. Je file me mettre au lit, mais je ne dormirais pas. Joël doit rentrer pour s'occuper de sa famille (c'était prévu), Alex se sent inutile et veut rentrer car quoi qu'il arrive maintenant, le résultat ne changera pas. Donc je dois organiser mes affaires pour les mettre dans le California car seul Michael et Papa continueront avec moi demain. Ce stress m'empêche de trouver le sommeil, et pour le première fois dans cette épopée, mon mental flanche.
2850m D+ / 59,82 km / 1 vol / 6,82 km




Bien que tardif, le réveil de ce 11ème jour est dur. Le plan n'a pas changé, on sépare les affaires et avec Michael on part en direction du Pavillon, un décollage en plein au milieu des faces Sud du Mont-Blanc. Je craque encore, les larmes viennent sans que je puisse y faire quoi que ce soit, je doute. J'ai peur avec cette fatigue de me mettre en danger, de ne pas prendre les bonnes décisions en vol. Michael est là pour me soutenir, il ébauche un plan. Quand on arrive au décollage, je dois dormir, et ce soir, on sera à Verbier. Cette perspective est réjouissante mais trop lointaine pour le moment. Joel nous a rejoint en vélo et avec Michael, ils me préparent un lit, dans la voile. Je dors un peu, ce qui me fait me sentir un peu mieux, puis on se rend sur le décollage. Le vent est bon, et dès la sortie, une agréable ascendance me permet de bien monter. Ce thermique, je me rendrais compte un peu plus tard, est en fait une confluence du vent du Nord qui coule derrière le col Ferret et de la brise de vallée qui s'engouffre par Courmayeur. Je pars ensuite en transition, collée dans les faces, sous la neige parfois et maintenant c'est clair, cette première ascendance sera la seule. Le vol est court, je pose en compagnie de Michael dans le Val Ferret italien. Il nous faut donc remonter à pieds vers le Grand Col Ferret, d'où on espère décoller. La montée est encore dure, vu que mon mental me fait défaut, les jambes ne veulent plus avancer. On s'arrête encore pour une sieste, mais je n'arriverais pas à dormir malheureusement. Arrivés au col, je vois enfin la maison. L'objectif est clair et toute l'énergie que j'avais perdu me revient d'un coup. Des vautours fauves nous indiquent un thermique juste devant nous, c'est parti. Le vol est compliqué, le vent du Nord rentre fort en vallée et je dois avancer contre celui-ci. Les vautours m'accompagnent dans les thermiques sous le vent de la rive droite, c'est un spectacle magnifique. Arrivée au dessus de Saleinaz, il se met à pleuvoir et je pense à me poser en altitude pour attendre que ça passe. Malheureusement, la zone en dessous de moi est dans un district franc, et je n'ai pas le droit d'y atterrir ou d'y décoller. Je suis contrainte de continuer sous une légère pluie. Pour basculer au dessus d'Orsières c'est chaud, je suis vraiment appuyée et je dois slalomer entre les arbres pour passer. Je transite ensuite vers le faces Ouest du Six-Blanc, mais ma ligne est catastrophique et je perds beaucoup d'altitude. Au lieu de poser en fond de vallée, je me pose à La Rosière, et suis rejointe par JP puis Papa, Tim et une ribambelle de copains. J'ai droit à un bon ravitaillement avec des spécialités valdôtaines et fraises du Valais et, guidés par Jean-René, on se remet en route pour décoller au Larzay, en espérant s'appuyer en soaring pour monter et de basculer enfin sur Bagnes. Mes problèmes du matin ont totalement disparu, j'ai l'impression d'être dans une autre journée maintenant. Au décollage, plein de copains sont là, ils m'aident à préparer la voile et décoller. En l'air, le vent a faibli et ce n'est pas possible de monter, j'opte donc pour un atterrissage au Cotterg. Papa est là, mais aussi la famille Brinkreve, qui m'ont beaucoup soutenu dans cette aventure. Je profite du moment avant d'attaquer le Reposoir, itinéraire que j'ai effectué un nombre incalculable de fois dans mes entrainements. Benjamin et Valentine se joignent à nous, ça fait plaisir de voir des jeunes motivés à partager une marche comme ça. Michael est bluffé par le rythme que j'arrive à mettre maintenant, alors que j'étais au bout de ma vie ce matin. A Verbier village, c'est des cloches de vache qui m'accueillent, gaiement secouées par Ruoss et Dédé, propriétaire de Medran sport, qui nous a prêté un vélo électrique pour la course. Je suis accueillie chez moi par Maman, c'est bon de la revoir et sentir sa fierté. Ils me cuisinent un bon plat de pâtes et j'ai droit à des muffins choco banane que Kasia (ma colloc) a fait. Je me glisse dans mon lit douillet pour une bonne nuit de sommeil.
2700m D+ / 19,89 km / 3 vols / 33,51 km




Aujourd'hui, c'est l'avant dernier jour de course et il est vrai, quoique je fasse, je ne risque pas l'élimination, donc je me contente de profiter du moment, et finir ce challenge que, je dois l'avouer, trouve trop long. Il nous faut avancer quand même, je ne vais pas rester à la maison en attendant que ça passe. Je pars seule en direction de la Croix-de-Coeur. Michael a dormi chez mes parents, et je le rejoins au Namasté. Pause sandwich viande séchée et café, puis je finis la montée vers le col. Là haut m'attendent Lydia et d'autres copains, et la pluie… Ce n'est pas vraiment les conditions que l'on attendait. Le ciel est gris et les averses, légères certes, se succèdent. Quand ça se calme, on monte un peu plus haut pour décoller et se jeter dans le col sous le vent, en direction de Nendaz. Je parviens à monter un peu sur l'arête du Fou, pour finalement poser au pied des remontées de Tracouet. Encore une montée pour se rendre sur un décollage, dans la magnifique forêt de mélèzes de Balavaud. Arrivés à Tracouet, Michael décolle et parvient à sortir. Son décollage étant un peu limite, je décide de me rendre sur le décollage officiel est peu plus loin. Mais le vent est fort, la pluie est juste à coté, et je doute. Je décolle, gagne quelques mètres mais me repose aussitôt car il pleut à nouveau. Ça serait trop bête de dépasser la limite maintenant, mais je bouillonne en attendant. Ça m'énerve de ne pas oser engager, en sachant que ça l'a fait pour Michael. Mais la frontière entre raison et bêtise est fine, je me dois d'écouter mes ressentis. Encore de l'attente, puis je me remets en l'air, parviens gentiment au sommet de la Dent de Nendaz en dynamique et bascule sur Veysonnaz. Le ciel est plus clément maintenant, il y a même du soleil. Sur la piste de l'ours, je sors les pieds pour atterrir quand je sens une petite bulle. Concentrée, j'arrive tout doucement à l'exploiter pour sortir au dessus de Thyon 2000, et me jeter dans la transition sur Nax. J'atteins le flanc de la montagne au milieu de la forêt, mais ne parviens pas à gagner assez d'altitude pour contourner la zone de l'aéroport de Sion. Il faut prendre une décision et vite, si je descends plus, il n'y aura plus de clairière pour poser et cela rallongerait la montée vers le Mont Noble. Je pose donc à la pente dans une clairière, plie et me remets en route pour un décollage sur les pistes de Nax. Au déco, je retrouve Michael qui est prêt, et on s'envole ensemble pour avancer, dans la plaine du Rhône cette fois. J'atterris en bordure du bois de Finges, des copains viennent me trouver, on rigole et on se donne rendez-vous au Relais Bayard pour une belle pièce de boeuf sur ardoise, en compagnie de ma soeur et ses enfants et la famille de Joël. Après avoir mangé, la fatigue m'assaille et je m'endors à table. Il reste quelques heures pour avancer, donc je me motive et prends la direction de Niedergesteln où je serais accueillie pour la nuit chez un copain de Michael, Thomas.
1900m D+ / 32,87 km / 3 vols / 42,13
